A propos d'Errbet
La brosse, le pinceau, ont été mes premiers instruments.
Un jour, j’ai travaillé une petite toile à la brosse mais j’ajoutai quelques touches avec un couteau, de manière à mettre en évidence les premiers plans.
A l’exposition qui suivit, j’emportai cette toile qui figurait parmi les autres toiles classiques réalisées à la brosse. Parmi les visiteurs qui passaient, une dame d’un certain âge s’approcha : « Ils sont beaux vos tableaux » me dit-elle, et je me disposais à formuler une réponse de remerciement pour ces paroles flatteuses, mais elle a ajouta:
«...mais ce ne sont jamais que des cartes postales… »
- Mais oui, continua-t-elle, vous reproduisez fidèlement la réalité et ça donne des images assez belles mais ce ne sont que des photos. Il n’y a que celle-ci qui ait un peu de caractère »
et elle me montra la petite toile que j’avais apportée en plus.
«Vous feriez mieux de continuer dans cette direction» et elle s’en alla me laissant pantois.
Je remâchai longtemps cette remarque, bien longtemps après la fin de l’expo.
Ainsi je ne faisais que des photos avec mes pinceaux. Seule la petite toile avait de l’intérêt.
Alors je fis d’autres essais, mêlant le couteau aux brosses. Je pris goût à cette façon de manier la pâte, de l’étaler de la construire sur la toile, de créer un relief réel qui me permettait de mettre en évidence la profondeur, le relief visuel.
Je n’utilisai bientôt plus que le couteau.
Aujourd’hui, il ne me viendrait plus à l’idée d’utiliser un autre instrument.
J’éprouve un plaisir réel, physique, à manipuler la matière et il m’arrive parfois de sentir quelques frissons lorsque sous ma spatule je sens la pâte et fais apparaître l’image que j’ai dans la tête, enivré par le parfum de la peinture à l’huile.
Je n’ai jamais revu cette vieille dame mais j’aimerais la rencontrer à nouveau et la remercier, non pas de m’avoir incité à faire des réalisations, peut-être différentes mais pour m’avoir permis de découvrir le vrai plaisir de peindre.
Selon l’humeur, selon le moment, selon ce que j’ai pu vivre, j’ai envie de peindre un paysage que j’ai vu récemment, un monument qui m’a séduit. Parfois, j’ai envie de représenter la vie, de peindre une foule ou un personnage ou plusieurs, une attitude, de restituer une rumeur, une musique par la couleur. J’obtiens alors des toiles à tendance « paysages » ou « personnages ». Il m’a d’ailleurs semblé durant les expositions que si certaines personnes appréciaient les unes elle n’aimaient pas toujours les autres… et inversement.
Mais on peut également n’aimer ni les unes… ni les autres !
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